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Voyou, chansons majuscules



Interview / Matthieu Chauveau * Photos / © Emma Birsky Publié dans le magazine Kostar n°85 - avril-mai 2023


Alors que vient de sortir son deuxième album, Les Royaumes Minuscules, rencontre avec un musicien issu de la scène nantaise dont le succès ne cesse de grandir depuis l’article – élogieux – qu’on lui dédiait à ses tout débuts : Voyou.



Quel chemin parcouru depuis ta première interview pour Kostar en 2017 ! T’imaginais-tu à l’époque partir un jour enregistrer un album à São Paulo ?

Je crois que je ne me posais pas trop de questions. J’étais déjà super heureux de me dire que je pouvais sortir ma propre musique. Mais je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire ce genre de chose. Le Brésil, c’est vraiment un fantasme. J’écoute beaucoup de musique brésilienne et j’ai déjà fait une tournée là-bas. Pour l’album, je suis donc retourné voir les musiciens avec qui j’avais eu la chance de jouer.


Sacrée évolution mais, en même temps, tout était là dès le début : le son, les paroles, l’univers…

Oui, ce qui a surtout changé, c’est les moyens qu’on me donne pour faire de la musique. Mais je n’ai pas envie que ça transforme l’ADN de Voyou, qui consiste à essayer de raconter des choses à hauteur de gens. Après, j’essaie d’être toujours dans un processus de recherche, pour rester en évolution sans perdre de vue l’idée que j’écris des chansons, ce que ça raconte et à qui ça s’adresse.


Que ce soit sur tes pochettes ou sur scène, tu apportes un soin particulier à l’image. Es-tu conscient d’avoir créé un personnage ?

Je ne sais pas si c’est un personnage, parce que j’aime bien me dire que ça n’est pas centré sur moi. J’imagine qu’il y a un univers qui est de plus en plus cohérent. Toute la partie graphique, au départ, c’était plus un truc que je rejetais. Je me suis mis à faire de plus en plus d’images par moi-même : des collages, des animations, des dessins… Il y a dans Voyou une volonté de m’exprimer au mieux artistiquement et de m’amuser un maximum. Et ça passe par me permettre de sortir de ma tête toutes les images qui s’y trouvent et de les représenter.


“L'ADN de Voyou, ça consiste à essayer de raconter des choses un peu à hauteur de gens.”

Ta tournée passe par Stereolux, où tu as créé ton nouveau spectacle. Pourquoi ici alors que tu es maintenant Parisien ?

Ça reste l’endroit où j’ai appris à faire mon métier de musicien sur scène. C’est comme rentrer à la maison pour Noël. Quand je dois créer un spectacle, c’est un lieu où je sais que j’ai mes repères. Je connais la salle, les techniciens, les gens qui viendront voir le show en sortie de résidence. Des personnes qui m’ont vu en concert plusieurs fois et des musiciens avec qui j’ai travaillé : Lenparrot, Antonin Pierre, Raphaël d'Hervez… C’est rassurant et, en même temps, je sais que c’est ici que j’aurai les retours les plus sincères et directs sur ce que je fais.


Qu’y a-t-il de tes précédents groupes, qui étaient nettement plus rock (Rhum for Pauline, Elephanz, Pegase…), dans Voyou ?

J’ai surtout gardé un apprentissage. Un groupe comme Rhum for Pauline m’a appris le sens du travail ; Elephanz, l’importance de la mélodie et Pegase la texture sonore. Ces groupes n’ont donc pas directement influencé Voyou mais ils m’ont donné des armes.


Pour un musicien multi-instrumentiste et arrangeur, tu soignes particulièrement tes paroles… Voyou est né de ça : l’envie de dire des choses ?

À la base, je ne savais pas si j’étais à l’aise avec le fait de dire des choses, ou du moins d’écrire des paroles. Parce que c’est pas un truc que j’ai beaucoup fait dans ma vie, écrire… Je n’ai jamais eu de journal intime. Je suis plus influencé par l’oral : la manière qu’ont les gens de parler entre eux, les mots qu’ils utilisent, les belles expressions, des choses entendues dans les bars… Je me nourris aussi énormément de dialogues de films, de Michel Audiard à Antonin Peretjatko en passant par Bertrand Blier. J’aime la manière que le cinéma a de raconter les histoires, en utilisant les décors, en donnant une saison, une météo pour exprimer un sentiment. Je reprends ça dans mes chansons : ça m’aide à donner une couleur, un ton à ce que je veux raconter.


“Puisqu’il est plus facile d’aller mal que d’aller bien, il est plus facile d’écrire des choses tristes, mélancoliques.”

À planter le décor, comme on dit ?

Oui, et à donner une dramaturgie aux choses. Parfois, tu peux parler de choses extrêmement tristes et avoir besoin qu’il fasse beau dans le décor parce que, sinon, ça devient trop pesant.


Justement, tu as un vrai talent pour écrire des chansons foncièrement joyeuses, solaires et d’autres plus mélancoliques. Les plus difficiles à écrire, ne serait-ce pas les premières ?

Tout à fait. Puisqu’il est plus facile d’aller mal que d’aller bien, il est plus facile d’écrire des choses tristes, mélancoliques. Réussir à raconter des choses joyeuses sans paraître cucul, c’est quand même assez compliqué. La frontière est très mince entre les deux.


Une dernière question. En plus des arrangements de cuivres, il y a beaucoup de chœurs féminins dans l’album, les retrouve-t-on sur scène ?

Carrément. Ça a d’ailleurs été une grosse partie du travail sur le live. On est 5 multi-instrumentistes sur scène et 5 à chanter. Les voix prennent même la place de certains instruments qu’on ne peut pas jouer. Donc tout le monde a les mains très prises. J’ai trop de chance parce que j’ai des musiciennes et musiciens super avec moi. Ils ont cette capacité à devenir 3 musiciens chacun !


La Carène, Brest, 13 avril ; Stereolux, Nantes, 14 avril ; Festival Mythos, Rennes, 15 avril ; Les Vieilles Charrues, Carhaix Plouguer, 15 juillet.




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