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Une ville ailleurs : Saint-Pétersbourg, par Olga Boldyreff



Texte et photos / Olga Boldyreff


Travaillant sur les questions d’identité composée et de leurs influences sur la création, l’artiste française, également Fipette, retourne pour Kostar à l’occasion de la folle journée russe dans le pays de ses parents : la Russie et plus particulièrement Saint-Pétersbourg.


Rue Tverskaïa.

Je dois retourner rue Tverskaïa. Je dois y retourner pour le sujet qui me hante, comme Saint-Pétersbourg toujours hantée par ses origines. Pour créer cette ville, il a fallu tant de sacrifices et de sacrifiés. Pourtant, seule ton absence attise ma douleur. Le singulier fantôme qui m’habite, se cache dans les terres qu’il a fallu drainer, dans les parapets de granit qu’il a fallu construire, dans la forêt marécageuse qu’il a fallu abattre, dans les canaux qu’il a fallu creuser, sur les ponts, sur les îles, sur les façades des bâtiments ocre jaune. Le singulier fantôme qui m’habite ne vient pas des ténèbres mais de la clarté rectiligne des larges boulevards, des places et des parcs, des canaux et de la Néva. À ses touristes bien-aimés, Saint-Pétersbourg montre ses perspectives grandioses, elle se veut belle et attirante pour déambuler dans les couloirs de ses innombrables musées. Même si les habitants l’appellent familièrement «Piter», une ville comme Saint-Pétersbourg ne s’apprivoise jamais tout à fait.

Une promenade à pied à Saint-Pétersbourg n’est jamais une simple promenade. La ville offre tant de facettes : quotidienne, littéraire, soviétique, maritime, musicale, artistique, amoureuse, tragique. Je prends une bière au café Brodiatchaïa Sobaka. Je me plais dans ce lieu mythique qui a vu défiler toute l’avant-garde de 1912 à 1915, les poètes du Siècle d’Argent parmi lesquels Anna Akhmatova que j’aime tant pour la justesse et la simplicité de ses mots. Le palais Cheremetev abrite outre le Musée de la musique, le Musée-appartement d’Anna Akhmatova. Il est installé dans une dépendance du palais, on y accède par la Liteïny prospekt au n°53 en passant sous l’arche. Anna Akhmatova est toujours là. C’est l’un des mystères de Saint-Pétersbourg, cette capacité à se ressouvenir, à fraterniser avec les morts, à s’interroger sur la quête des origines, sur le sens du mystère, sur la solitude.


“L’hiver russe est long et froid, mais c’est en hiver que la Russie devient elle-même, lorsque la neige recouvre tout.”

L’est du canal de la Fontanka est moins touristique. Tout m’y est familier, les petits restaurants et les cafés. Quand il fait beau, je ne prends ni le tramway n°10 ni l’autobus n°22 ni le trolleybus n°5, je remonte à pied l’avenue Souvoroski pour voir se profiler la cathédrale de Smolny. Déjà, mes pas tracent une cartographie d’impressions intimes, je déambule dans les cours intérieures, je m’égare dans une rue sans nom. Les rues peuvent être dangereuses en Russie. Souvenez-vous du 22 octobre 1905 d’après l’ancien calendrier, «Dimanche Rouge» à Saint-Pétersbourg, l’armée du Tsar tire sur la foule venue manifester sur la place du Palais d’Hiver.

Quand je passe devant le n°13 de la rue Malaïa Morskaïa, une rue perpendiculaire à la Nevski Prospekt, j’ai toujours une pensée pour Tchaïkovski et pour tout ce qu’il nous a laissé. Il est enterré à l’autre bout de la Nevski au cimetière Notre-Dame-de-Tikhvine, à côté du monastère Alexandre-Nevski. Dans ce cimetière sont aussi enterrés Glinka, Borodine, Rimski-Korsakov, Moussorgski. Je vais souvent m’y promener, surtout en hiver pour entendre mes pas s’enfoncer dans la neige. L’hiver russe est long et froid, mais c’est en hiver que la Russie devient elle-même, lorsque la neige recouvre tout. Le climat a façonné le tempérament des Russes, toujours à mi-chemin de la réalité et de l’imaginaire. On le voit chez Pouchkine, chez Gogol et chez Dostoïevski.

La nuit pétersbourgeoise est un conte, elle appartient et elle appartiendra toujours à la sphère de l’insolite, au monde de l’inachevé, à l’énigme du réel, au foisonnement complexe de la vie pleine d’étrangeté où peuvent se croiser Eugène, sorti du poème de Pouchkine Le Cavalier de bronze, Akaki Akakievitch, errant dans les rues après s’être fait dérober son manteau dans la nouvelle de Gogol ou encore Raskolnikov, embrassant le sol souillé de la place aux foins dans Crime et châtiment. En contemplant les fenêtres, les portes et les façades des bâtiments de la rue Tverskaïa, ce sont des yeux vides qui me regardent. Saint-Pétersbourg est une ville étrangement vide. « La ville la plus préméditée du monde » comme l’écrivait Dostoïevski, reste celle qui dissimule et cache le mieux ses secrets, elle reste la ville de l’ambivalence. Au n°23 de la rue Tverskaïa la neige glisse sur le toit en tôle de l’immeuble à la façade jaune.





Leningrad, au soleil de minuit


En 1991, Leningrad est redevenue Saint-Pétersbourg, comme au temps de sa splendeur. Capitale de la Russie jusqu’en 1918, elle doit sa beauté à la folie de Pierre-le-Grand et de Catherine II. Construite sur une centaine d’îles, la ville compte près de 5 millions d’habitants, 342 ponts et… 250 musées. Et en juin, elle fête l’arrivée de l’été sous le soleil de minuit.


Y aller

La Lufthansa et Finnair sont les mieux placées pour cette destination. Le plus souvent, avec escale à Franckfort ou Helsinki. Compter 350 euros, l’aller-retour. Rossiya-Russian Airlines propose un vol sans escale au départ de Paris. En juin, on trouve un aller-retour aux environs de 400 euros avec Air France.


S'y loger

Le parc hôtelier est impressionnant. Mais le plus difficile est de trouver un hébergement qui ne soit pas hors de prix dans le centre. En périphérie, on trouve des hôtels à 30 euros/nuit (Econom Hotel, Mini Hotel Veksel), mais il faut alors compter sur les transports en commun. L’Aventinn Hotel peut être un bon compromis. Pas beaucoup de charme, mais la chambre double est à 85 euros et l’hôtel est à quelques minutes de l’avenue Nevski et à proximité du métro.


Circuit Kostar

Bien sûr, il y a Nevsky Prospekt. L’artère de 4km (les Champs-Élysées en plus long !) est jalonnée de monuments historiques classés, comme le palais Stroganov ou le monastère Laure Saint-Alexandre Nevski. C’est là aussi que se trouve le Gostiny Dvor, impressionnante galerie commerciale de facture néoclassique érigée au XVIIIe siècle. Si elle reste la capitale de tous les musées avec, à son sommet, l’incontournable Érmitage, Saint-Pétersbourg est aussi la capitale de tous les palais. Le Palais d’Hiver, avec la colonne Alexandre, jouxte l’église Saint-Sauveur. Quant à la cathédrale Saint-Isaac, elle fut construite selon les plans d’un architecte français, Auguste de Montferrand. Aux beaux jours, la jeunesse se retrouve pour faire la fête au Jannus Live, vaste espace de concert en plein air. Avec, tout autour, ce qu’il faut de bars pour savourer quelques productions locales.

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