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Une ville ailleurs : Montréal, par Clément Bertrand



Texte / Clément Bertrand pour Kostar * Photos / Angèle Bertrand * Illustration / Arnaud Aubry

Créé à La Bouche d’Air, Peau Bleue, le nouveau spectacle du chanteur de l’Ile d’Yeu est en tournée. Tournée qui est passée par le Québec dans le cadre d’un pont jeté entre Nantes et Montréal par la Cité des Congrès. L’album rock sort ces jours-ci.


La nuit dernière, on a annoncé la mort de Léonard Cohen, certainement le Montréalais le plus célèbre au monde. Comme on est tous un peu cliché quand on est triste et que je ne serai pas plus original, je pointe mon nez ce matin devant sa maison de briques délavées, au milieu d’une foule venue le pleurer à coups de fleurs et de chansons. Et là soudain, je retourne à Barcelone, ville où je l’avais vu sur scène pour la dernière fois. Avec toute la classe qui le caractérisait, il avait dit adieu à son public catalan, puisqu’il savait qu’il ne reviendrait plus. Quelques jours plus tôt, c’était l’élection de Donald Trump qui nourrissait la bouche des médias internationaux et les Canadiens riaient des futurs réfugiés politiques étasuniens qui cognaient subitement en masse à leur porte. Aujourd’hui, la poésie a au moins détrôné la bêtise dans les échos planétaires. Une petite victoire pour un grand deuil.


“La capitale se refait une beauté pour fêter son anniversaire, et des grues par centaines semblent des bougies qu’un vent sec et glacial souffle chaque soir pour que la nuit s’allume.

C’est l’automne à Montréal. Les arbres sont en feu et le ciel en cendres. Les frênes grimpant vers le Mont-Royal portent aux nues un belvédère qui promène son visiteur au bout d’une perche à selfies comme un chien à sa laisse. Sur le port, les eaux du Saint-Laurent continuent de couler sous le pont Jacques Cartier et la ville se transforme. À son embouchure, à la belle saison, les baleines passeront sous les objectifs des badauds entassés sur des embarcations pour les observer de trop près. Les pauvres en deviendront sourdes et le tourisme, aveugle. La capitale se refait une beauté pour fêter son anniversaire, et des grues par centaines semblent des bougies qu’un vent sec et glacial souffle chaque soir pour que la nuit s’allume. Là, un bâtiment vétuste déshabille encore ses streaptiseuses. Le patron n’a pas voulu vendre à la modernité vulgaire et aguicheuse qui le regarde de haut. Les gratte-ciel accrochent le bras du vieux Montréal européen pour l’aider à traverser le siècle, sur un passage clouté qui décompte ses secondes. Dans les rues éventrées, les escaliers font le trottoir et des punks sans chien lavent le pare-brise des voitures aux feux rouges contre une pièce mal balancée d’une vitre entrouverte. De grandes artères charrient le sang neuf et mélangé d’une nation jeune où tout le monde est un immigré. Et si l’on excepte les populations amérindiennes, communautés payées par l’État pour survivre, il faut reconnaître que la diversité ethnique fonctionne joliment. Le Québec, ce n’est pas la France en Amérique, c’est du français en Amérique. Car culturellement parlant, on vit bien à l’américaine. Et l’ogre anglophone qui l’encercle en gagnant du terrain chaque jour sur les générations nouvelles nous fait mieux comprendre cette défense ardue de la langue des aïeux, avec ces accents chantants, ce vocabulaire précieux, ses expressions fleuries, que les prétentieux de chez nous moquent parfois avec dédain.


“Quand tu cognes contre un arbre, il en tombe cent chanteurs.”

Je voyage avec mon guitariste qui a l’étonnement permanent des enfants. À la fois touchant et niaiseux comme on dit ici, il passe son temps à photographier les écureuils. Venise a ses pigeons et Londres ses renards. Le pavé fait pousser des musiciens et des artistes de tout poil. Quand tu cognes contre un arbre, il en tombe cent chanteurs. Ce soir, pour annoncer le concert de demain, nous jouons en direct à la radio derrière une verrière qui donne sur une grande avenue commerçante. Un clochard toque au carreau en me faisant signe du pouce que ma chanson lui plait. Je me fais des copains et ma pinte de bière brune au comptoir du bistrot est ravie d’être partagée. Village dense ou tout est relatif puisque pays des grands espaces, les rencontres sont faciles et les croisées fréquentes. Bientôt, l’hiver rigoureux prendra Montréal, la ville souterraine aux mille boutiques ouvrira ses bras aux courageux bravant le froid ressenti, les mètres de neige fondront en même temps que les portefeuilles, et la douce chaleur humaine du peuple québécois n’y sera pas pour rien.





Tabarnac ! 375 ans...


2017 ne sera pas une année comme les autres à Montréal . 375e anniversaire de la fondation de la ville oblige voilà donc un logo – 375MTL – et un calendrier de festivités comme seuls les Québécois les imaginent. Ici, on ne fait pas les choses à moitié : du genre à crisser du ketchup dans la poutine.


Y aller

À moins d’aimer un froid bien piquant (et les sorties en Ski-Doo), on peut attendre le printemps… Vols au départ de Nantes et de Rennes avec Air France pour s’y rendre. Comptez aux environs de 500 euros l’aller-retour. Un peu plus cher en juillet.


Y loger

Même si les transports en commun sont nombreux et efficaces, le mieux est de se loger pas trop loin du vieux Montréal. L’offre y est importante : du Sheraton à deux pas de la rue Sainte-Catherine (à environ 200 €/nuit) au Manoir Sherbrooke, sur la rue du même nom, à moins de 100 €.


Anniversaire géant

Pour fêter comme il se doit le 375e anniversaire de sa fondation (par le très catholique Paul de Chomedey de Maisonneuve), Montréal ne va pas fermer l’œil de l’année. Après la spectaculaire mise en lumière du pont Jacques Cartier, le 17 mai, ce sont les géants de Royal de Luxe qui circuleront en ville. Selon un itinéraire tenu bien évidemment secret. n Ouvertes par l’inauguration de la place des Festivités, en bas de la 34e rue, les manifestations festives, sportives et culturelles vont se succéder jusqu’au 31 décembre. Nulle part ailleurs, on ne peut assister à la très sérieuse et spectaculaire descente de la rue Saint-Denis… en boîtes à savon. Ou, square Philips, au Motoneige Xtrem qui réunit les dix meilleurs pilotes/cascadeurs du monde. Ou encore, dans le nuit de pleine lune du 11 février, à une rando à vélo suivie le lendemain (pour les survivants ?) par un demi-marathon des glaces. n Lorsque le Saint-Laurent s’est débarrassé de la banquise, Montréal s’ébroue au soleil. Avec le MUTEK, “le” festival des arts numériques, qui s’ouvre à d’autres capitales (Mexico, Berlin, Barcelone) et s’éclate un peu partout en ville. De son côté, le rendez-vous country du Sainte-Cath, chaque vendredi soir, se prolonge par trois jours de festival au stade Morgan, début août. n Cet anniversaire est aussi l’occasion pour la ville de proposer une Balade pour la paix, jalonnée de 67 œuvres du Musée des beaux-arts présentées dans l’espace public. Pourquoi 67 ? Parce qu’en 2017, on fête aussi l’anniversaire de l’expo universelle de 1967 qui, elle aussi, a marqué l’histoire de Montréal.




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