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Une ville ailleurs : Avignon


Frédéric Dahm - Empreinte d'Ailleurs

Texte / Vincent Braud et Patrick Thibault Publié dans le magazine Kostar n°86 - été 2023


Il y a ceux qui s’y retrouvent, chaque été, en juillet. Ceux qui, pour rien au monde, ne rateraient “le” festival. Et puis ceux qui préfèrent arpenter la ville, tranquillement, au printemps ou à l’automne. Si les papes ont passé la main, ils ont laissé leur palais. Et c’est tant mieux. Bienvenue en Avignon. Aux festivaliers et à tous les autres.


La couleur du ciel, l’air au parfum de fleurs et d’épices, le chant des cigales, les remparts qui ceinturent la vieille ville… dès l’arrivée en gare, vous voilà dans une autre vi(ll)e. On y parle anglais, espagnol, italien, allemand… et même français. Avec cette pointe d’accent qui fleure le soleil.

Tout devient théâtre

Avignon, en juillet, c’est une avalanche d’affiches sur tout support susceptible d’en supporter, une pluie de cartons d’invitation pour aller voir ‘le” spectacle qui va changer votre vie… À grand renfort de parades colorées et bruyantes (il faut se faire entendre), comédiennes et comédiens arpentent la rue de la République, vous entraînent place de l’Horloge et vont jusqu’à troubler votre sieste, place des Carmes. Durant le festival, toute la ville devient théâtre.

Au départ (en 1947 !), le festival s’est installé dans la cour d’honneur du Palais des papes pour “une semaine d’art en Avignon”, selon la formule de Jean Vilar. Aujourd’hui, tout ce qui peut offrir une scène ou un plateau de danse est réquisitionné : l’opéra voisin bien sûr mais aussi l’ancienne carrière de Boulbon, les locaux de l’Université, les gymnases de lycées, les auditoriums, les cloîtres, l’île voisine de la Barthelasse… et ces dizaines de lieux, parfois improbables, transformés en théâtres éphémères, pour les besoins du “off”.

Depuis la fin du siècle dernier, Avignon est bel et bien “la” capitale du spectacle vivant. Ici, on peut être résolument “in” et se perdre dans le “off”. À côté du festival officiel est né, à la fin des années 60, un “festival alternatif” revendiquant de programmer et de rendre plus accessible le spectacle vivant. Une volonté, jamais démentie, qui se traduit par la programmation de plus d’un millier de spectacles en juillet aux côtés de la programmation officielle. Avec du théâtre de boulevard mais aussi du théâtre d’auteur. Au point que le ministère de la Culture a dû reconnaître le “off” en ajoutant une ligne au chapitre de ses subventions.

Une ville de patrimoine

On évite le plan “visiter Avignon en 3 heures”. L’été, la chaleur incite au calme. On peut commencer, tranquille, par le Fort Saint-André. Au XIVe siècle, les rois de France voulurent montrer leurs muscles à la papauté. Le fort est la réponse (forcément) royale au Palais des papes. Du haut de ses remparts, la forteresse offre une vue panoramique sur “la cité des papes”. Au loin, les sportifs reconnaîtront le mont Ventoux.

N’en déplaise à nos rois, difficile d’échapper à l’imposante demeure pontificale, construite sur le rocher des Doms, par Jean XXII et Benoît XII avant d’être agrandie par Clément VI. Après le départ des papes, le palais conserve son statut de résidence pour les princes de l’Église jusqu’à la Révolution. On peut aujourd’hui visiter les chapelles, les appartements privés des papes, les jardins… et l’imposante cour d’honneur. Même si, durant le festival, celle-ci est envahie de gradins plongeant sur une scène elle-même impressionnante.

Avignon, c’est un patrimoine architectural conséquent. L’Hôtel des monnaies, l’ancien Théâtre de la Comédie, devenu Opéra, l’Hôtel de ville tout proche, la Chapelle des Pénitents noirs, on peut faire provision de cartes postales. L’hôtel de Caumont, dans le quartier Mazarin, vaut également le détour (et même un peu plus !). Il abrite en effet la très riche collection d’art contemporain d’Yvon Lambert. Dans la cour, après la visite, Le Violette est l’endroit idéal pour retrouver des amis, pour se rafraîchir ou déjeuner à l’ombre.

Plaisirs gourmands

Car il n’y a pas que les gourmands de spectacles et d’expos à prendre leur pied en Avignon. En se perdant dans les ruelles du centre ou à l’abri des monuments emblématiques, difficile de résister aux terrasses qui dégagent des parfums d’ici (ou d’ailleurs) et à ces petits rosés qui, eux aussi, profitent du soleil.

Lorsque le Palais des papes est sous les feux du soleil couchant, et à défaut d’avoir une table à La vieille fontaine, le restaurant étoilé de l’Hôtel de l’Europe, on a plaisir à se poser en terrasse. Entre épaule d’agneau de pays confite et filet de loup à la plancha, le Moutardier du pape a de quoi vous régaler à prix abordables. Côté douceurs, que diriez-vous d’un Pavlova aux fraises de Carpentras, accompagné de rhubarbe et avocat ?

Un peu plus à l’écart de l’animation, Le 46 fait également partie des tables sympas repérées par gourmets et gourmands. Accueil chaleureux dans ce bistrot et bar à vin qui propose, en plus de ses références côté cave, une carte de saison, riche en couleurs et saveurs. Deux spots agréables pour se rafraîchir, en restant dans le moove, la place ombragée des Carmes et la rue des Teinturiers… Une chose est sûre, vous n’y serez pas seuls !

Photos : © Frédéric Dahm - Empreinte d'Ailleurs / © Kostar / Collection Lambert © Otrtesson / expo Eva Jospin 2023 © Otrtesson



Festival d'Avignon 2023

La nouvelle donne de Tiago Rodrigues


Après Olivier Py, Tiago Rodrigues. On s’en doutait : le metteur en scène portugais, nouveau directeur artistique du Festival d’Avignon, en internationalise la programmation. Chaque année, une langue y sera invitée. Et la première à avoir cet honneur, c’est l’anglais. Original, à l’heure du Brexit ! Ceci dit, c’est l’occasion d’inviter le grand Tim Crouch. On s’en doutait aussi: Tiago Rodrigues réaffirme la dimension politique du festival tout en prônant l’hypersensibilité comme thématique de l’édition 2023. Ainsi Wellfare de Julie Deliquet transforme la cour d’honneur du Palais des papes en CCAS. Le spectacle viendra à La Passerelle à Saint-Brieuc et au Quartz, à Brest. L’artiste donne aussi une nouvelle chance à d’anciens spectacles. Le sien (Dans la mesure de l’impossible) mais aussi Dispak Dispac’h de Patricia Allio, créé en 2021 au Festival TNB. En parallèle d’une création, il re-programme, 13 ans plus tard au même endroit, Anne Teresa de Keersmaeker. Il réinvestit le lieu emblématique qu’est la Carrière de Boulbon, avec Philippe Quesne. On verra si sa volonté de toucher un public plus large et plus jeune est suivie d’effets.


Festival d'Avignon du 5 au 25 juillet.

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