Portefeuille artistique : Les Fiertés, par Damien Rouxel

Les Queers sont dans le pré, de la série Fiertés, Damien Rouxel, photographie, 2024, ADAGP

Texte / Christophe Cesbron * Photos / Damien Rouxel Publié dans le magazine Kostar n°93 - décembre 2024-janvier 2025

Né dans une famille d’agriculteurs, Damien Rouxel ne reprendra pas la ferme. Le photographe-performer en saisit la culture, en détourne les codes, s’en nourrit avec intelligence et malice pour questionner l’identité, l’animalité, l’altérité, la vie, l’art.

Fils à boucle, Damien Rouxel, photographie, 2024 ADAGP

La ferme sera vendue à la fin de l’année. Une ferme familiale des Côtes d’Armor spécialisée dans la production laitière conventionnelle. Damien Rouxel y est né, y a passé toute son enfance. Il en connaît la culture, la dureté du travail, la solidarité, le rapport aux animaux. C’est une partie de son monde, même s’il comprend rapidement qu’il ne lui correspond pas complètement. « Je n’étais pas comme les autres gars. Très vite, il y a eu l’impact de ces deux mots qu’on me balançait : Bouseux et PD. Moi, je voulais aller vers l’artistique, la création. Le chemin n’était pas tracé. Il fallait que je parte. Je suis rentré aux Beaux-Arts de Quimper. Je voulais me mettre à distance de la ferme, mener une réflexion identitaire. Et je me suis aperçu que je ne parlais que de cela : de l’exploitation, du monde rural. Il me fallait juste changer d’angle, affirmer ma fierté, renverser la honte, revendiquer mon identité. »

Son terrain de prédilection et d’expérimentation, c’est la ferme familiale où il se photographie avec son père, sa mère, sa sœur dans des mises en scène qui rejouent le portrait de famille, revisitent l’histoire de l’art, la culture rurale et la culture queer.

Pendant ses études, il participe à des ateliers de danse contemporaine, travaillant avec Olivier Dubois et Jérôme Bel. Après les Beaux-Arts, il s’inscrit à la fac d’histoire de l’art. Il se nourrit, apprend, observe, travaille, assimile et se positionne, opérant ce « pas de côté » qui allait lui permettre d’affirmer son identité artistique. Il aime convoquer l’image du monstre, mi-homme mi-animal, mi-mâle mi-femelle, Arlequin coloré, travesti multi-facettes, rapiécé de toute part. Son terrain de prédilection et d’expérimentation, c’est la ferme familiale où il se photographie avec son père, sa mère, sa sœur dans des mises en scène qui rejouent le portrait de famille, revisitent l’histoire de l’art, la culture rurale et la culture queer. Les images qu’il réalise ont une dimension étonnante, décalée, joueuse, poétique. Implantées dans la ferme, au milieu des bâtiments et engins agricoles, dans la boue, le foin, elles sont géniales, aussi évidentes qu’incongrues, hybridant le réel aux mythologies qui nous traversent.