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Laurence Vilaine, dans la cour des grand.e.s


Interview / Vincent Braud * Photo / Jean-Dominique Billaud Publié dans le magazine Kostar n°72 - octobre-novembre 2020

Elle n’en est pas à son coup d’essai mais, avec La Géante, Laurence Vilaine est entrée dans la cour des grand.e.s. Son troisième roman a en effet reçu un très bon accueil. Auprès des libraires mais aussi du public. Rencontre avec une auteure qui regarde les étoiles mais garde les pieds sur terre.


« Ce sont des images qui me reviennent… et quand je commence à écrire, je ne sais pas où je vais. » D’une voix calme et posée, à la terrasse de ce café-librairie (*) où elle a ses habitudes, Laurence Vilaine parle de l’écriture. Non pas celle de ces guides touristiques auxquels elle a apporté sa plume, son talent, son goût du voyage et des rencontres, mais celle du roman. Elle ne renie en rien ce travail sur ces voyages où elle cherchait d’abord la rencontre de l’autre «mais le roman, c’est différent… il n’y a pas d’autres contraintes que celles que tu t’imposes ». Un exercice aussi « où on se dévoile, où on s’expose forcément. » Comme dans ces cahiers où, jeune ado, elle racontait ses histoires à elle, ses “secrets”.


La voix du silence

« L’écriture, je suis tombée dedans toute petite. Je ne me souviens pas quand exactement. J’ai toujours écrit en fait… » Le roman, elle y a pensé bien sûr « mais c’était un projet tout en bas de la pile ». Alors, il y a d’abord Le Silence ne sera qu’un souvenir en 2011. Un premier livre où elle nous plonge (et se replonge) dans cette histoire des pays de l’Est qu’elle aime tant. Puis viendra, six ans plus tard, La Grande villa. Un bref roman comme un cri après la mort du père. Pas un livre sur le deuil mais plutôt sur le monde sans, sur le monde d’après, à un moment où, en 2016, la formule n’était pas dans tous les discours.

La Géante, c’est d’abord une montagne majestueuse, née peut-être dans son regard lors d’une résidence au monastère de Saorge. Le couvent franciscain occupait un endroit stratégique entre la France et l’Italie dans ces Alpes qui sont déjà maritimes. « J’y suis restée plusieurs semaines sans rien pouvoir écrire… » C’est pourtant ce décor qui en impose (et qui s’impose) dans La Géante.

« La montagne est un personnage en soi. Quelque chose de solide. Une nature sauvage à laquelle se confrontent les personnages. Quelque chose qui nous renvoie à nous-mêmes. La montagne, c’est comme une grand’mère avec laquelle on ne peut pas tricher. Elle peut être impitoyable mais ce peut aussi être un refuge. » Dans ce décor, le roman nous parle de deux femmes. Deux destins où se croisent l’amour et l’absence, les cris d’un petit-duc, ce hibou de la taille d’un merle dont le chant semble rythmer le temps, et le silence d’une maison trop froide, loin de ce monde connecté qui semble nous condamner au bruit.


Des signes de vie

Le silence, Laurence Vilaine en fait son affaire. Elle s’en nourrit, comme entre les murs de ce monastère de Saorge. Le regard peut se noyer, un instant, dans le café d’une tasse. Elle s’en excuse presque : « L’oral, ce n’est pas trop mon truc… » On devine l’importance du mot juste, comme dans ses romans. « Le silence peut être comme un couvercle qu’on pose sur ce qu’on ne veut pas entendre mais c’est aussi un appel à monter, à aller à l’assaut de soi-même. »

« La Géante est le témoin de cette histoire. Elle sait tout. Y compris le secret de Noële, cette femme dont une faute (à l’état-civil) l’a privée de deux “l” et semble l’avoir clouée au sol humide de cette campagne bien rude. » Ce livre, c’est l’histoire d’une ascension. Elle s’agace d’un commentaire qui y voit l’histoire d’une quête. « C’est une confrontation à soi… »

À la lecture, on imagine volontiers Laurence Vilaine plongée dans la contemplation. Erreur. «Je ne suis pas sûre de pouvoir regarder un ciel étoilé pendant une heure… Mon regard va rapidement s’échapper. En fait, je suis toujours à la recherche de ces petits signes de vie qui peuvent nous échapper. La beauté d’un ciel ne me fait pas oublier les lucioles… Je ne suis pas une contemplatrice. » Dont acte.

Reste cette écriture très personnelle et poétique. Pleine de ces petits détails, justement, remontés dans ses souvenirs comme par miracle. Comme ces pelures d’oignon qui s’accrochent à une blouse de nylon et qu’elle a peut-être vues, enfant, lors de vacances en famille à Frossay. Et puis, parce que « rien n’est improbable dans une fiction », on découvre l’existence de ces miraculeuses immortelles bleues des montagnes qui, en fait, n’ont jamais existé. Si on ne peut plus inventer un autre monde, à quoi servirait le roman ?


(*) Les bien-aimés, rue de la Paix, à Nantes.


Laurence Vilaine, La Géante, éditions Zulma.

Mardi 13 octobre 19h, rencontre, le lieu unique, Nantes.




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