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Fanny Gardier & Gaëtan Morvan : “Les étoiles en cuisine, c’est un peu le Graal.”



Interview et photos / Christophe Martin pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°64 - février-mars 2019

Avec un nom qui sonne comme l’énoncé sommaire d’une formule magique, le restaurant de Gaëtan et Fanny Morvan révèle un savoir-faire précis et créatif. Niché dans le quartier historique de la Doutre à Angers, la maison vient de décrocher son étoile. Après que nous ayons décidé de parler de ces talents. Sa déclinaison unique de sept plats dévoile des assemblages subtils et délicats au service d’une cuisine aussi brute que raffinée.

On commence par quoi ?

Un navet, qui provient de La Ferme d’Artaud*, cuit dans une marinade à base de jus de safran et vin de la région. On le traite ici comme une viande, accompagné d’une crème de maïs avec un jus à base d’œufs de harengs qui apporte cette note fumée au plat. Une moutarde à l’ancienne pour le peps, un petit riz soufflé pour le croquant et pour le petit côté "viandard", une tuile de chorizo.


C’est une belle entrée en matière, qui met le produit à l’honneur…

Ici, le navet qui, a priori, n’est pas un légume roi est placé au cœur de l’assiette. C’est la pleine saison, on travaille en collaboration étroite avec notre maraîcher, qui nous offre des légumes à l'apogée de leur fraîcheur et de leur maturité. C’est notre premier interlocuteur et nous sommes les transmetteurs. C’est la base de notre métier, transformer un produit de qualité, le mettre en valeur, sublimer ces pièces rares.


Comment composez-vous les plats ?

Nous faisons la cuisine que nous aimons, c’est très intuitif. Nous faisons aussi en fonction de l’approvisionnement. On aime changer la carte régulièrement, on ne veut pas tomber dans la routine. Nous aimons suivre nos envies. On part toujours du produit et on articule une histoire autour. On fait des essais.

Les chefs sont comme des athlètes de haut niveau, toujours à 100%

Quelles sont vos inspirations ?

On travaille actuellement sur une betterave que l’on associe à une pomme d’Anjou, un lait Ribot et une mousse de chèvre. Nos inspirations sont simples, disons même élémentaires. Ça part d’un souvenir d’enfance, un classique que l’on revisite. On peut aussi associer des couleurs. Après, nous considérons, qu’avec un peu de technique, tous les produits de saison se combinent facilement entre eux. La nature est plutôt bien faite…


Il y a aussi un goût prononcé pour les matières brutes…

C’est vrai en cuisine mais le contenant est, pour nous, tout aussi déterminant. C’est pour cela que nous avons confié la réalisation de nos services à la créatrice de céramiques Elodie Meirsman*. On lui fait totalement confiance, elle connaît notre cuisine, on s’adapte à ce qu’elle nous propose.


On aime la viande, on l’assume.

Le végétal est souvent à l’honneur, est-ce que la cuisine végétarienne vous tente ?

Même si on peut considérer le légume comme central dans la composition d’un plat, nous n’avons pas de parti pris végétarien. Nous respectons les régimes de chacun mais ce n’est pas notre univers. On aime la viande, on l’assume. Nous ne pourrions pas décliner sept plats autour du végétal. C’est un jeu d’équilibre, de textures, de goûts et de techniques.


Pourquoi 7 plats, un chiffre magique ?

L’équilibre parfait, non ?!


Gaëtan, comment êtes-vous venu aux fourneaux ?

J’ai découvert la cuisine très tôt, il y avait deux voies qui s’offraient à moi, la cuisine ou le sport, deux passions qui ont pour moi beaucoup de points communs. Les chefs sont comme des athlètes de haut niveau, toujours à 100 %. On n’a pas le droit à l’erreur. Avant chaque service, il y a une pression qui monte, une adrénaline… avec beaucoup de remise en question et des victoires.


Comment avez-vous pu choisir ?

Ça s’est imposé à moi. J’avais besoin d’un cadre, de repères et j’ai trouvé avec la cuisine une famille. C’est le chef Jean-Marie Lepeltier, de L’Hoirie, qui m’a mis le pied à l’étrier. C’est quelqu’un qui sait offrir leur chance aux jeunes et qui leur permet de pouvoir réaliser leurs rêves.

J'ai besoin de défis.

Quelles brigades avez-vous ensuite intégré ?

J’avais besoin de me confronter à de grandes maisons. Michel Guérard, à Eugénie-Les-Bains, m’a donné ma chance. Chez lui, j’ai appris l’exigence et la précision d’un 3 étoiles. Je passais tout mon temps en cuisine, je ne sortais pas. J’ai évolué à différents postes pendant 2 ans pour finir chef de parti à 20 ans. J’ai beaucoup retenu de sa cuisine. Je suis rentré au Louis XV chez Alain Ducasse à Monaco. Tu repars à zéro. J’avais la barbe et les cheveux longs et j’ai du tout raser. C’était l’armée, il y avait moins de place pour évoluer ou s’affirmer.


Il y a eu aussi Laurent Saudeau du Manoir de la Boulaye ?

Oui, j’y ai retrouvé un esprit de famille, j’avais besoin de me sentir soutenu et accompagné dans ma démarche. J’ai découvert une cuisine très technique et créative. Il y a eu aussi Alexandre Bourdas à Honfleur dont je garde la sensibilité et la philosophie.


Après avoir fait ses gammes, comment on décide de passer aux commandes ?

J’avais besoin d’abord de prendre une place de chef, pour apprendre à gérer tous les aspects du métier, de la création à la gestion. J’ai pris poste à l’Impérial Palace à Annecy où j’ai rencontré Fanny. Nous sommes partis ensemble à Shanghai pour l’ouverture d’un restaurant dans une autre culture, d’autres exigences. Puis un passage dans le Jura, pour une nouvelle aventure, une ouverture à gérer de A à Z.


Vous avez été nommé Jeune espoir 2019 par le guide Gault et Millau, qu’attendez-vous des récompenses ?

On fait évoluer les choses à notre rythme, mais j’ai besoin de défis. J’avoue mon ambition de décrocher une étoile Michelin, même si c’est souvent mal perçu. C’est avant tout un moteur, un but, une compétition personnelle. On fait beaucoup de sacrifices pour ce métier, les étoiles en cuisine, c’est un peu le Graal, c’est comme remporter un match ou une compétition.


LAIT THYM SEL 65 Rue Beaurepaire, Angers.


Interview réalisée avec l’obtention de la première étoile au Guide Michelin 2019.

* La Ferme d’Artaud, Artisans de la Terrre, La Chapelle-Saint-Sauveur.

* Elodie Meirsman (LOCERAMIC), La Pointe, Bouchemaine.



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